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Homme trans

Je suis un homme.

Je suis un homme. J’ai toujours été un homme sauf que mon enveloppe corporelle n’était vraiment pas au courant. À 4 ans, je criais à tue-tête à qui veut l’entendre: « C’est pas ELLE, c’est IL ». Mais rien n’y faisait. Et c’était il y’a longtemps. On ne parlait pas beaucoup de ça, les trans, en 1982. Et si oui, c’était vraiment pas accepté comme aujourd’hui. On a donc balayé ça de la main, s’imaginant sûrement que cette « lubie » allait passer et j’ai été élevé comme une fille.

J’ai vécu pendant presque 40 ans dans le corps d’une femme. Une femme forte, qui n’avait pas peur de ses opinions. À part mon primaire et mon secondaire où j’étais, physiquement, un vrai garçon manqué, j’étais une femme assez standard. 5 pieds 4, pas maigre ni grosse, assez jolie, mais plus charmante que très belle. Je ne me comparais jamais aux autres femmes, je ne les enviais pas, j’étais plutôt attiré par elles. Ha oui, je vous l’ai pas dit, mais j’étais lesbienne. En fait, c’est ce que j’ai dû faire croire à tout le monde (et à moi-même un p’tit bout) dès mes 16 ans, parce que oui, j’aimais les femmes, mais dans mon cœur, j’étais juste un gars hétéro ben ordinaire.

Puis, pour mes 40 ans, après dix ans de dépression majeure, de tentatives de suicide et de faux diagnostics, j’ai décidé de me choisir et de faire ma transition femme vers homme. Et là, ma vie a changé du tout au tout. Tout d’abord physiquement, avec la prise de testostérone. Les poils sur tout le corps, la barbe, la répartition des graisses, les cheveux qui calent en V, la prise de muscles et de force physique, et finalement, les chirurgies. Sont aussi apparues avec les hormones de l’impatience, des bouffées de chaleur, qui ne sont jamais parties, ma voix qui mue et devient masculine tranquillement et bien sûr, une libido intense. Bref, j’étais un ado en puberté à 40 ans.

Ça faisait beaucoup de changements en même temps... Mais bizarrement, ce qui m’a le plus fouetté dans les 4 dernières années où je vis comme homme, ce ne sont pas les changements physiques. C’est de me rendre compte qu’on ne vit pas de la même façon homme que femme en société et malheureusement, mon expérience m’a fait réaliser que c’est beaucoup plus simple être un homme qu’une femme. Les gens ont une tout autre approche envers moi depuis que je suis un homme.

Premièrement, on m’écoute beaucoup plus et on me coupe vraiment moins la parole qu’avant. Pourtant je me considérait comme une femme qui en menait large et ne se laissait pas marcher sur le pieds. Malgré ça, la différence est flagrante. C’est fou comme le fait de ne pas avoir d’attributs sexuelles qui « attisent » la gent masculine fait en sorte qu’on se fait prendre beaucoup plus au sérieux.

J’ai des amis de gars vraiment extraordinaires et féministes avec qui ma transition n’a pas changé grand-chose, mais certaines connaissance masculines ont pris le bord quand j’ai compris leur véritable personnalité, eux qui retenaient gestes et commentaires quand j’étais femme n’avaient plus aucuns scrupules maintenant que je portais la barbe. Pas obligé d’avoir 60 ans pour être un mononcle.

Un des changements les plus flagrants que j’ai ressentis, c’est la peur. Ou l’absence de peur. Loin de moi l’idée de généraliser, alors je vais parler en mon nom et en celui de plusieurs femmes de mon entourage, de différents âges. Quand on est est une femme, on ressent souvent des petites peurs ou malaises et on a l’impression que ça fait partie de la game. On n’est pas tout le temps effrayées, mais c’est un sentiment planant. D’être suivie dans la rue, de se faire siffler ou catcaller, de se faire toucher sans consentement. C’est souvent des peurs liées au sexe. Comme si le fait d’être une femme se limitait souvent à ça. La femme désirable au lieu de l’être humain d’abord.

Depuis que je suis un homme, je ne ressens plus ces peurs, ces malaises. Je ne dis pas que je n’ai tout a coup plus peur de rien, ce serait mentir. J’ai peur de me faire casser la gueule, alors je m’abstiens de remettre certains hommes agressifs à leurs places, ce que je faisais quand j’étais une femme.

Il y a aussi la charge mentale. C’est comme si on avait décidé de m’en mettre moins sur les épaules depuis ma transition. C’est aussi ridicule que depuis que j’ai de la barbe, on me donne des bines sur les épaules pis on m’offre de la bière quand j’ai toujours, toujours bu du vin.

Le plombier, l’électricien ou à la quincaillerie, on s’adresse à moi comme si je connaissais tout de la rénovation. Ma blonde à côté comprend tout pis pas moi, mais ils la regardent à peine. Quand j’étais une femme, je ne réalisais pas qu’on m’infantilisais souvent. Il faut vivre les deux pour voir la différence. Je m’en rends compte maintenant que je suis privilégié d’être un homme.

Les femmes aussi me regardent différemment. Des fois avec méfiance, ce que je ne vivais pas vraiment avant, mais aussi avec tendresse et admiration quand je fais juste bien m’occuper de mon fils. Avant, ça passait comme dans du beurre et maintenant, j’ai comme l’impression qu’ils se disent que wow, j’ai l’air d’un super papa. Ben voyons donc. Mais je pense que tout ça est humain. On est conditionnés à tellement de choses depuis notre enfance.

Il y a évidemment des choses plus négatives à être un garçon. Par exemple, être petit. À 5 pieds 4, femme, c’est ben standard. Homme, issh, c’est plus tough. Ce serait bien de changer la mentalité voulant qu’un homme doit être grand et fort pour être viril. Je n’ai pas de complexe parce que j’avais déjà acquis la confiance et de l’estime. Mais j’imagine un ado mal dans sa peau et petit en plus et ça me touche. Il y a, quand on est un homme, une pression sociale, de performance autant financière que sexuelle et à l’opposé des femmes, la majorité masculine se confie peu et parle vraiment moins de ses émotions. Ce que je n’ai pas développé vu que j’ai été élevé en femme.

Bref, je suis convaincu que tout se joue dans l’éducation, autant dans la façon d’élever nos filles que nos garçons. Faisons en sorte de stopper les clichés, les stéréotypes et éduquons les filles et les garçons sur le même pied d’égalité, sainement pour que tout être humain puisse être libre, bien dans sa peau et en sécurité.

Mathis Bouffard